Pourquoi devrions-nous nous occuper de la gestion de notre contrat PLCI ? N’est-il pas plus sage de laisser faire les spécialistes financiers ? Finalement, le mouvement vers l’investissement durable se fera tout seul, non ?
Très vite, Anneleen a découvert pourquoi il est important que les clients se fassent entendre en matière d’éthique et de durabilité. Les chiffres et les discussions avec les gestionnaires de fonds et les experts le montrent très clairement : d’abord, il s’agit de beaucoup d’argent et, ensuite, on ne prête toujours pas assez d’attention à l’investissement responsable.
Voici les chiffres à l’échelle de la Belgique :
L’INAMI dépense plus de 150 millions d’euros par an (chiffre pour 2014 ; ce montant est encore plus élevé aujourd’hui, car depuis 2016, les infirmières à domicile indépendantes et les orthophonistes peuvent, eux aussi, conclure un contrat avec l’INAMI) pour des contrats de pension et/ou de revenu garanti pour les prestataires de soins conventionnés. A côté de cela, les contributions à la Pension Libre Complémentaire pour Indépendants bénéficient d’une déductibilité fiscale moyenne de 60%. Ces deux systèmes font que, chaque année, des centaines de millions de recettes fiscales sont versés aux gestionnaires de fonds. Il serait temps de savoir exactement ce qui se passe avec cet argent et de décider ce que les gestionnaires en font, n’est-ce pas ?
Voici les chiffres du rapport annuel 2016 du contrat PLCI d’Anneleen :
- Contributions en 2016 sous forme de contrats INAMI : 52 millions d’euros
- Certains des investissements méritent de faire l’objet d’une analyse plus approfondie :
- La section Equity Europe comprend toute une liste d’entreprises (EDF, Total, RWE, Shell, BP) qui ont beaucoup plus de réserves de combustibles fossiles que ce que l’on ne pourra jamais consommer, si les accords climatiques sont mis en pratique. Ces investissements sont controversés sur le plan écologique et comportent des risques financiers, et on ne peut les justifier que s’ils étaient liés à un plan strict de transition vers une production d’énergie durable (ce qui jusqu’à présent est rarement le cas).
- Les investissements dans Rolls Royce, Dassault et Airbus sont très controversés parce que ces sociétés réalisent une grande partie de leur chiffre d’affaires dans la production d’armes et dérivés (avions et hélicoptères militaires, bombardiers – dont certains peuvent porter des armes nucléaires).
- Le portefeuille comporte plusieurs géants pharmaceutiques qui font l’objet de procès judiciaires à cause de pratiques contraires à l’éthique au niveau des essais cliniques dans les pays en voie de développement, ou à cause de prix exorbitants pour des médicaments qui sauvent la vie.
- Dans la section Equity Emerging Markets, 10% du portefeuille est investi dans des sociétés basées dans les îles Caïmans – un paradis fiscal notoire !
Voilà ce que disent les gestionnaires de fonds :
Anneleen est allée voir son propre gestionnaire de fonds ainsi que des concurrents, en les questionnant sur la transparence de leur politique d’investissement et l’application de critères éthiques. Le plus souvent, on lui a répondu que c’était plus facile à dire qu’à faire. Voici les raisons le plus souvent évoquées :
1. Le portefeuille est le plus souvent sous-traité à des tiers.
Pourquoi cela signifierait-il que des tiers aient carte blanche ?
2. Comment définir ce qui est « éthique » ?
En effet, ce n’est pas un exercice facile à faire. L’éthique n’est pas une science exacte. Mais est-ce une raison pour ne rien entreprendre et ne pas y être attentif ? L’éthique reflète ce que les gens trouvent important dans la vie, ce qui a de la valeur. Voulons-nous vraiment ignorer ce qui est important, surtout quand il est question d’argent, un élément si central dans l’organisation de notre société ? Les choix que l’on fait avec l’argent déterminent en grande partie dans quel monde nous vivons.
3. Pour une bonne gestion des risques, il est important de maintenir une diversification suffisante. Les critères d’exclusion, qui diminuent le nombre d’opportunités d’investissement, contribuent potentiellement à augmenter les risques du portefeuille.
En d’autres termes, « notre univers d’investissement doit être suffisamment diversifié, donc nous n’avons pas d’autre choix que de financer le changement climatique et l’esclavage moderne » ?? Si nous ne pouvons pas nous passer de ce genre d’investissements dans notre modèle financier actuel, ne devrions-nous donc pas avant tout remettre en question ce modèle ?
De grandes études sur l’application des critères ESG (gouvernance environnementale, sociale et d’entreprise) prouvent d’ailleurs le contraire : plus on applique les critères ESG, plus les risques sont réduits (1).
4. L’investissement éthique a un rendement plus faible.
Là aussi, des études (1) et la pratique (2) prouvent que ce n’est pas le cas !
(1) En 2015, une méta-analyse ambitieuse à ce sujet, composée de 2000 études, a été publiée dans le Journal of Sustainable Finance and Investment. Les auteurs concluent que le produit d’investissements selon les critères ESG (gouvernance environnementale, sociale et d’entreprise) est égal ou supérieur à celui d’investissements qui n’adoptent pas ces critères. De plus, le risque semble être plus faible.
“Based on this exhaustive review effort, our main conclusion is: the orientation toward long-term responsible investing should be important for all kinds of rational investors in order to fulfill their fiduciary duties and may better align investors’ interests with the broader objectives of society.” http://www.sustainablefinance.ch/upload/cms/user/201512_JSustFinance_MetastudyPerformance.pdf
(2) Les fonds d’investissement de Triodos Bank appliquent les mêmes critères stricts que la banque au niveau de l’écologie, la société et la culture. Les résultats sont positifs : http://www.annual-report-triodos.com/en/2015/our-group/triodos-investment-management.html
Pour quelles raisons encore ? Parce que c’est possible, tout simplement !
Des contrat PLCI éthiques, c’est possible. Des fonds à l’étranger, des petits comme des grands, le prouvent.
Même s’il peut encore être amélioré, le fonds de pension norvégien – l’un des plus grands en Europe – peut servir d’exemple comme point de départ.
Il y a également de bons exemples de l’autre côté de l’Atlantique et ce, à très grande échelle. Ce fonds de pension californien gère un portefeuille de près de 300 milliards de dollars et a acquis au fil de nombreuses années une expertise au niveau de l’investissement éthique.